Rencontre Internationale
de l’Anthropophagie ! (EIA !) 14 – 18 décembre 2005.
Théâtre
du SESC Pompeia à Sao Paulo…
Conférence
proférée par Gilles de Staal à l’EIA !
le 15 décembre 2005.
(Traduction)
Indigestion
coloniale en France…
et l’urgence d’une réponse anthropophagique
Ouverture (théâtrale)
« …Respectable public ! Nous ne vous demandons pas d’applaudissements,
nous demandons les pompiers. Si vous voulez sauver vos traditions et votre morale,
appelez les pompiers ou, si vous préférez, la police ! Nous sommes
comme vous-mêmes, un immense cadavre gangrené ! Sauvez nos pourritures
et peut être vous sauverez vous du brasier allumé du monde ! »
(Oswald de Andrade : final de « La Morte »)
Prologue
(Sur l’écran, reproduction du tableau : «
Hommage à Khaled Kelkal »)
De haut en bas, bleu, blanc, rouge… la France ; de bas en haut, vert,
blanc, et la lune rouge… Algérie. Et en bas du tableau, la formule
de Saint Augustin qui fut le premier évêque d’Algérie
au Vème siècle : « Inter urinas et faeces nascimur »,
entre urines et merde il nous faut naître. J’ai fait ce tableau
en 1995 et il s’appelle : « Hommage à Khaled Kelkal ».
En 1995 il y eut en France une vague d’attentats de terrorisme aveugle,
avec les terribles bombes des métro St Michel et Orsay, des assassinats,
et d’autres bombes avortées, revendiqués par des groupes
musulmans intégristes liés à la guerre civile qui ravageait
alors l’Algérie. Bon, la France n’est pas les Etats-Unis
et, d’une certaine manière, nous avions déjà l’expérience
de diverses vagues de terrorisme international ; il existe un certain fatalisme
de l’opinion publique… la solution généralement se
trouve dans la diplomatie internationale et l’activité des services
secrets…
Sauf que, rapidement, le pays découvrit que cette fois il ne s’agissait
pas des actions d’une équipe de terrorisme international. Les attentats
avaient été planifiés à travers un réseau
aux contours nébuleux de jeunes Français d’origine généralement
algérienne, issus de milieux familiaux populaires, dans les quartiers
périphériques de diverses villes, principalement de la région
industrielle de Lyon. D’une certaine façon, c’était
un peu comme si cette guerre qui avait lieu en Algérie se communiquait
à la France…
Le chef
de ce réseau avait vingt ans. D’une famille ouvrière venue
d’Algérie dans les années soixante, dans un quartier ouvrier
et aujourd’hui de chômeurs à 40%. Il n’y a pas de favelas
en France, et ce sont donc des ensembles d’habitation de béton,
érigés il y a quarante ans et aujourd’hui tombant en poussière,
appelés « cités »… où la jeunesse, sans
aucune perspective, passe le temps à « soutenir les murs »
comme ils disent, vivant de ragots et petits trafics, avec des intervalles de
boulots précaires ou « informels », entre les écoles
qui ne préparent qu’au chômage et la grossièreté
raciste dès que tu essayes de sortir de la cité : à cause
de l’allure, de la façon de parler, du nom. Le nom surtout…
De temps en temps, l’été, les nerfs lâchent, on fait
des « rodéos » avec des voitures volées, course poursuites
avec la police, baston… à cause d’un abus policier, d’un
incident, d’un accident… De temps en temps l’affaire vire
au tragique, un jeune meurt, renversé par la police, ou d’une balle…
De colère ou de haine, on brûle quelques voitures… parfois
ça passe à la télé… Et tout retombe dans l’ennui
ordinaire.
Vénissieux était la ville de ce jeune homme, et cette ville est
entièrement faite de « cités ». Ce fut une réserve
de main d’œuvre de la grande industrie chimique et métallurgique
du bassin lyonnais. Aujourd’hui, dans un désert désindustrialisé,
c’est une grande réserve de chômage. Il fut un élève
intelligent, actif et intéressé, en même temps qu’il
se dédiait à l’animation d’associations culturelles
ou solidaires pour créer des alternatives à la médiocrité
et à la petite délinquance ; injustement dénoncé,
il passa l’année du bac en tôle ; revint de prison amer,
mais continua à tenter de créer un travail collectif, une activité
qui ouvre des alternatives au marasme pour « la cité »…
Vingt ans auparavant, il aurait rencontré des militants gauchistes, maoïstes
ou trotskistes ; Trente ans avant, il aurait été un jeune communiste.
Mais il n’y a plus ni communistes, ni maoïstes, ni même syndicalistes
dans les « cités »… Il a rencontré les prêches
et la rigueur morale des militants intégristes, et un discours qui parlait
de dignité et d’identité. Cela a suffît pour créer
une « cause ». Il s’appelait Khaled Kelkal.
Tout son talent, sa délicatesse et son charisme, son intelligence et
son honnêteté, il le mit au service de cette cause. Les attentats
furent terribles, des dizaines de morts et de blessés. Politiquement
et moralement indéfendables. Khaled Kelkal devint l’ennemi public
N°1. Il prit le maquis dans la montagne voisine de sa ville. Poursuivi par
les parachutistes, il finit abattu puis assassiné en direct à
la télé, à un arrêt d’autobus.
Du jour au lendemain, Khaled Kelkal ennemi public N°1, aux yeux de dizaines de milliers de jeunes des « cités » devint un héros. Non pas à cause des attentats qu’il avait organisés. Personne ne pouvait défendre cela. Ni même à cause de sa « cause » intégriste. Il était clair que sa motivation allait bien au-delà de cela. Il était le premier d’entre eux qui mourait les armes à la main, en quête d’une « cause » qui pourrait être leur cause à tous, et qui leur donne la dignité d’être reconnus dans la société. Dans l’opacité idéologique ambiante et le confinement politique et culturel de la « cité », il n’y avait pas de quoi s’effarer des erreurs politiques dans ses choix. Mais cette quête au nom de tous dans laquelle il s’était engagé et qu’il poursuivit jusqu’à ses ultimes conséquences, c’est cela qui avait une valeur. D’où l’ « Hommage à Khaled Kelkal ».
Cela eut lieu fin octobre 1995. Exactement dix ans après, comme dans une commémoration inconsciente, les « cités » de toutes les périphéries, les banlieues, de toutes les villes de France, viennent de s’enflammer dans une mutinerie qui s’est répandue pendant trois semaines, révélant une crise profonde, culturelle, politique, morale, identitaire dans ce pays si convaincu de l’universalité de ses fondements.
I – La banlieue
1) « La banlieue » : la terre
Dans toute cette crise, le monde a découvert la France par « la banlieue ». Les technocrates, administrateurs et urbanistes parlent de « périphéries urbaines », mais dans la langue ordinaire, la langue littéraire ou culturelle, on dit la « banlieue ». Le mot « banlieue » existe depuis des siècles et signifie littéralement « distance de bannissement » : de mettre au « ban » (acte de bannir) et « lieue » (unité de distance). La banlieue était l’endroit où les bannis, par jugement ou décision administrative, pouvaient vivre à distance de la ville.
La ville de Khaled Kelkal, Vénissieux, est une banlieue de Lyon, semblable à n’importe quelle autre banlieue de France. Aujourd’hui, la banlieue est l’endroit où vit près d’un bon tiers des Français et peut être la moitié de la jeunesse. Il n’y a qu’à voir : l’agglomération parisienne, comme on dit ici le Grand Sao Paulo, a plus ou moins 10,5 millions d’habitants. Mais la ville de Paris, la ville que tout le monde vient visiter, avec ses vingt arrondissements délimités en 1850 par Haussmann, le Louvre, le Châtelet, l’Opéra et la Tour Eiffel, les grands boulevards et les cinémas, ce Paris aujourd’hui en a à peine plus de 2,5 millions. En majorité des seniors aux revenus moyens et hauts, très souvent célibataires, avec chien d’appartement. Tout le reste, les 8 millions qui restent, vivent dans la banlieue. Le peuple vivant, le peuple jeune, vit dans la banlieue. Banni. Et c’est un peu la même chose dans toutes les grandes villes de France.
Un univers
structuré par les usines, le travail, le monde syndical et la vie culturelle
de municipalités administrées par les partis de gauche, principalement
le parti communiste ; vie tournée vers la valorisation du monde du travail
et de l’industrie et la croyance au progrès.
Une nébuleuse de municipalités sans la moindre discontinuité
urbaine, où les « cité Youri Gagarine » alternent
avec les avenues Lénine, les ensembles Pablo Neruda, les rues Salvador
Allende, les places Stalingrad, les boulevards Jean Jaurès, et autres
noms de la grande mythologie du mouvement ouvrier. Ainsi, en traversant une
rue, vous passez d’une municipalité à l’autre sans
percevoir aucune différence, puisque tout est continuum urbain ; la rue
Salvador Allende où vous marchiez se transforme sans prévenir
en avenue Lénine qui traverse une nouvelle rue Salvador Allende qui n’est
pas la même que précédemment, puisque qu’elle fait
déjà partie d’une autre ville… cela donne le tournis
de s’orienter par le nom des rues.
Pour qui n’est pas de la banlieue, la géographie de la banlieue
paraît un labyrinthe de lieux indifférents aux noms toujours les
mêmes dans lequel on finit par se perdre. Cette géographie avait
un sens qui était le sens du travail et des grandes usines : ici c’était
l’usine Babcock, là l’usine à gaz, de ce côté
les ateliers Renault, ou la Rhodiacéta, et cela était beaucoup
plus sûr pour se diriger que de savoir si on était dans la rue
Lénine ou devant le collège Maïakovski.
Au tournant des années quatre-vingt, toutes ces industries fermèrent les portes, l’une après l’autre. Les immenses bassins industriels de Paris, Lille, Dunkerque, Lyon, Clermont Ferrand, Toulouse, Marseille, Bordeaux, Rouen, devinrent des déserts industriels, ruines et hangars abandonnés. Le sens de cette géographie se perdit dans les brumes de la désindustrialisation. Une fois perdu ce sens, - la boussole du travail -, le labyrinthe s’est refermé sur ses habitants confinés dans un espace sans issue.
2) « La banlieue » : l’homme
Les industries se sont « délocalisées » sous d’autres cieux, mais les hommes restèrent, car il n’y avait pas d’autres lieux pour aller vivre. Français de vieille souche ou immigrants algériens, marocains, portugais ou espagnols… eux tous qui étaient « la classe ouvrière » de France devinrent au fil des années 80 puis 90, « l’ex-classe ouvrière ». Eux qui avaient élevé des enfants dans l’idée d’un avenir professionnel, d’une élévation sociale, virent le paysage se réduire à l’horizon de la « cité », avec des taux de chômage allant jusqu’à 40%... complètement isolés de la grande ville pourtant voisine. La banlieue devint le lieu de l’échec.
Le temps, qui était temps de travail, temps de vie collective, temps de luttes ou de grèves, temps de culture progressiste, devint le temps de l’attente. Attente de l’âge, de l’indemnité de chômage, du minimum social… Et pour les jeunes, attente d’un emploi, généralement précaire, inutile, et qui de toutes façons ne vient jamais. Attente d’une occasion. Attente d’un amour, ou d’une passade, d’un trafic fructueux. Attente d’une issue individuelle. Attente du moment suivant, attente du temps. Le temps devint ennui, et l’esprit devint rage… Avec la charge du stigmate d’être « de la cité », de la banlieue, par la gueule, par l’allure, la façon de parler… avec le poids de la police, toujours graveleuse (1)…
3) L’homme : immigration ?
Quand on parle de « banlieue », généralement très vite viennent des considérations sur « l’immigration »… Sauf que, malgré ce qui se dit et se pense, la proportion de travailleurs immigrés dans la population française est la même, avec des variables peu relevantes, depuis… les années vingt, et à vrai dire exactement depuis 1912 ! Dans les années trente, ils se répartissaient entre, d’un côté des travailleurs italiens, espagnols, polonais et juifs d’Europe centrale, ceux là fuyant les régimes fascistes et la crise agraire de leurs pays, et de l’autre des ouvriers venus des colonies françaises d’Afrique du nord, ceux-ci soumis à un régime juridique, administratif et social ségrégatif appelé «indigénat » sous le nom de « Main d’œuvre indigène » (MOI), sans droits familiaux ni d’accès à la citoyenneté, et à une carte de travail spéciale(carte MOI). Après la guerre, avec la reconstruction européenne, le flux européen diminua, remplacé par l’immigration nord-africaine, celle-ci systématiquement encadrée par l’administration coloniale afin de satisfaire aux besoins de main d’œuvre de la reconstruction et de la croissance industrielle.
Sur une
telle durée et au fil des décennies, une grande partie de ces
ouvriers s’enracinèrent en France, faisant que la sonorité
des noms français, surtout dans les classes populaires, devint peu à
peu autant slave, ibérique, italienne ou arabe que française,
et bien souvent un mélange de tout cela. C’est du reste mon cas,
et il suffit de jeter un regard sur l’annuaire téléphonique
de n’importe quelle ville industrielle française pour le constater.
Dans les années soixante-dix, la classe ouvrière pouvait être
évaluée à environs 10 millions de salariés, dont
trois millions d’immigrés soit près du tiers, sans prendre
en compte bien sûr les anciens immigrés déjà naturalisés.
De ces trois millions, il y en avait près de deux originaires des anciennes
colonies françaises d’Afrique, la plus grande partie d’Algérie,
beaucoup d’entre eux installés depuis les années cinquante
et même bien avant. Mais pour ceux-là, même si formellement
le statut de « l’indigénat » était
aboli avec les colonies, l’administration coloniale de leur vie en France
continuait la même : habitations spéciales séparées
des Français avec interdiction de contacts (les « foyers »),
concentrés dans des banlieues, police administrative spéciale
(le SAT – Service d’Assistance Technique) héritée
de « l’indigénat » et formée d’anciens
fonctionnaires coloniaux, prestations sociales séparées et calculées
sur une autre base, interdiction familiale, droit à la naturalisation
quasi impossible si ce n’est par mariage… etc. Et surtout, discrimination,
racisme, enfer administratif, le tout aggravé par le confinement. Le
souvenir que l’immigration nord-africaine avait participé activement,
avec un courage exemplaire et massif, à la lutte d’indépendance
algérienne renforçait le préjugé raciste et la suspicion
de l’administration, des médias et d’une part notable de
l’opinion des classes moyennes. Malgré le fait que cette part de
la population connaissait les plus faibles indices de délinquance et
d’incivilité, elle fut toujours traitée comme une «
classe dangereuse ».
Ce racisme et cette ségrégation servirent aussi, bien sûr,
à tenter de diviser les grandes luttes ouvrières post 1968, auxquelles
les travailleurs immigrés d’origine coloniale participèrent
activement pour y conquérir l’égalité des droits.
Les réflexes et clichés racistes de la vieille extrême droite
française et de la nostalgie colonialiste furent systématiquement
mobilisés en ce sens… créant dans l’opinion publique
un supposé « problème de l’immigration ». Mais
quel « problème de l’immigration » ?!.. En vérité,
c’est le problème de soixante ans d’administration coloniale
d’un quart ou un tiers du monde ouvrier.
Enfin en 1978, la loi du « regroupement familial » reconnut le droit
des immigrés installés en France à y élever une
famille… De fait, de nombreux chefs de famille, qui étaient là
depuis des décennies, avaient déjà parfois réussi
à obtenir la nationalité, souvent en se mariant avec une Française…
Les enfants qui naissaient, évidemment naissaient français de
plein droit, puisqu’il n’existe du reste aucune autre définition
juridique ou politique d’un Français que le fait d’être
né ou d’avoir grandi depuis la tendre enfance dans ce pays. Comme
par exemple le propre ministre français de l’Intérieur et
pré candidat à la présidence de la république, Nicolas
Sarkosy, de père et mère hongrois.
Mais si cela mit fin à une discrimination juridiquement insoutenable,
raciste et coloniale, il n’y eut aucune autre mesure politique, familiale,
culturelle complémentaire pour que cela aille au delà d’une
concession de pure forme. Et même diverses exceptions de droit civil maintinrent
des aspects de l’indigénat dans le droit familial concédé,
notamment quant au statut de la femme. Quant à la presse, elle présenta
généralement cette égalité juridique élémentaire
comme un « cadeau bien généreux » aux anciens
colonisés, qui de plus risquait d’altérer « l’identité
» française (personne ne se demanda combien la colonisation avait
altéré les identités africaines !).
Et tout cela fut jeté dans les banlieues et abandonné au sauve-qui-peut, dans la crise sociale et économique des années quatre-vingt, le chômage de masse, le confinement et la stigmatisation des « quartiers dangereux ». Mais cela fait donc en tous cas près de trente ans que ce n’est plus d’une question d’immigration étrangère qu’il s’agit.
4) L’homme : jeune, rebeu ou renoi… céfran
Aujourd’hui,
il est clair que les Français réels sont assez différents
des Français fantasmés du cinéma de René Clair ou
de Renoir. Ils n’ont pas la tête de Jean Gabin ou de Raimu. Ils
reflètent le visage de l’histoire réelle et difficile par
laquelle la société est passée au fil du siècle
achevé… Mais la société officielle continue comme
si rien de cette histoire n’avait eu lieu, se regardant dans le miroir
des vieux films, du temps de « l’Empire colonial », des «
revues nègres » de music-halls ou des expositions universelles
des années trente où l’on emmenait les collégiens
voir des « zoos humains » de sauvages indigènes des colonies…
Difficile pour un jeune Français, dont le père originaire d’Algérie
est arrivé en 1950 comme « main d’œuvre indigène
», d’accepter ce miroir pour le pays où il est né
et où il vit et qui est pourtant bien le sien !
Et de l’autre côté… dans le bla-bla des parents qui
bien souvent, démoralisés, tentent de sauver le rêve d’un
« autre » pays, Algérie, Maroc, Sénégal…
ce n’est pas tellement mieux. La réalité, souvent, est échec,
misère, guerre civile, oppression familiale. « Inter urinas
et faeces… »
Déjà l’époque n’est plus à l’héroïsme romantique et mortifère de Khaled Kelkal. Parfois le refuge dans l’observance religieuse te donne un cadre, un sentiment d’amour-propre, de dignité, mais ni plus ni moins. Déjà c’est une nouvelle génération, la deuxième née ici. Déjà une culture de vie sociale a commencé à naître : rap, tags, clips…. Une façon de parler propre aux « banlieues », un « verlan » où tout ce dit à l’envers : « céfran » pour français, « rebeu » pour arabe, « renoi » pour noir, « meuf » pour femme, «ouf» pour fou ! Il n’y a pas d’issue dans un « ailleurs ». Alors c’est ici que les céfran vont devoir s’entendre avec les rebeus et les renois pour que tout le monde ne devienne pas ouf !
5) La banlieue : l’incendie
Ce fut
tout cela qui explosa et qui devait exploser. Les rapports policiers sont clairs
: le seul motif d’étonnement est que ça n’ait pas
explosé bien avant. L’ennui et la rage rampaient depuis quinze
ans dans toutes les banlieues. Selon le même rapport, cela fait dix ans
que se brûle en France une moyenne de cent voitures par jour dans ces
quartiers, à cause d’incidents épars et chroniques…
ce qui fait 35 000 par an. En trois semaine, il s’en est brûlé
un peu plus qu’en un an, 40 000. Pour cela, nul besoin d’une organisation,
d’une planification, d’aucune conspiration. Suffisait le sentiment
d’appartenir à la même réalité, du nord au
sud du pays, et celui de devoir être entendu. Et suffisait un souffle
sur la braise : les discours racistes et provocateurs des medias, les mesures
discriminatoires de la représentation politique, du gouvernement, un
souffle un peu plus fort que d’habitude dans un climat de crise politique
et de tentations démagogiques.
Les faits sont d’une simplicité … : un résumé
concentré de la vie. C’était le soir de rupture du Ramadan,
la fête traditionnelle, le nouvel an musulman. Fête collective,
familiale, de voisinage, où les amis « renoi », « rebeu
» ou « céfran » sont invités. Il y a une heure
précise pour la rupture du jeûne, après le coucher du soleil.
Cinq amis entre 14 et 18 ans attendaient l’heure pour rentrer à
la maison, à l’heure pile, et la trouille des gronderies en cas
de retard. Ils sont allés faire un petit foot pour tuer l’heure.
Après, il restait encore une demi heure. Là, au pied de l’immeuble.
La patrouille est passée. Tous sont français, mais avec des «têtes
de banlieue» : certains avaient laissé les papiers à la
maison. Peur des embrouilles, qui peuvent durer, conduire au commissariat, avec
ensuite l’engueulade des parents… Ils ont filé, en courant,
la police aux trousses. Deux parvinrent à échapper. Les trois
plus jeunes, acculés, sautèrent la grille du transformateur électrique
de la région. L’autre patrouille arrivait, par l’autre côté.
Pas d’issue. Ils ont ouvert la porte de la cabine et s’y sont blottis,
dans l’obscurité, en attendant que passe la vague. Une demi heure.
La police avait déjà laissé tomber. Un des mioches, dans
le noir, a bougé. Il a touché quelque chose. Le court circuit
a déchargé 20 000 volts en un éclair. Deux moururent carbonisés
d’un coup. La coupure de courant a éteint le quartier entier, jusqu’à
l’ordinateur de la police. Le troisième gamin, brûlé
à 80% a repris connaissance, est sorti du piège en se traînant,
a appelé par le portable, puis s’est évanoui… les
familles accoururent, désespérées. Et la police quadrillant
toute la région. La presse à sa suite. Le ministre de l’intérieur
qui à cette heure faisait bla-bla électoral sur l’insécurité,
préparant sa candidature pour 2007, déclara que c’étaient
des bandits, trafiquants, délinquants, criminels. Emphatique : «Je
vais vous débarrasser de cette racaille ». En rajoutant :
« Je ne vais pas pleurer la mort de deux criminels »…
de 15 ans ! Peu avant, il avait déjà lancé : «
Je vais nettoyer les banlieues au Kärcher.» « Racaille
», le mot a sonné lourdement, alors que le gosse survivant, dans
le coma, n’était pas même encore arrivé à l’hôpital.
Alors, l’incendie a commencé, là, dans cette cité
de Clichy sous Bois. Dans la nuit, il s’emparait déjà du
département entier, la Seine St Denis, qui n’est pas Paris, qui
est la banlieue, mais c’est quand même là qu’a eu lieu
le Mondial de Football de Paris. Ministre entêté, « racaille
» devient la formule d’élection des médias enchantés.
Il mobilise la réserve de la gendarmerie. Sentiment de solidarité,
d’indignation, d’identification. En trois nuits, toutes les banlieues
de Paris s’allumèrent. Le gouvernement mobilise 40 000 hommes de
police de choc, ordonne d’arrêter, déférer aux tribunaux
qui commencent à siéger en horaires extra. Les medias dénonçant
en vrac : les bandes islamiques, les trafiquants, le nihilisme, la barbarie.
Le reste, le monde entier l’a vu. Pendant trois semaines, la révolte
s’est répandue dans toutes les banlieues de toutes les villes,
grandes ou modestes, du pays entier…
Il n’y a pas eu de morts, il n’y a pas eu de combats, il n’y
a pas eu de fusillades. Des voitures brûlées et des gamins qui
cavalent, en jouant plus qu’en combattant contre la police.
A une manifestation d’indignation purement spontanée, le gouvernement
a répondu par des mesures de guerre civile. Etat d’urgence, en
ressortant une loi qui jusqu’alors n’avait été appliquée
que durant la guerre d’Algérie, la loi de mars 1955, confirmant
ainsi cette vieille mentalité de traiter les banlieues d’un point
de vue colonial :
- Couvre feu ;
- Perquisitions sans mandat judiciaire de jour et de nuit ;
- Loi des suspects ;
- Menace de censure sur la presse et la correspondance ;
- Mobilisation des tribunaux pénaux, pour condamner en cadences fordistes
;
- Rétablissement du travail infantile (même de nuit) à partir
de 14 ans pour les enfants récalcitrants.
Une répression
qui n’avait jamais connu une telle rigueur, ni en 1968, ni contre les
grandes grèves d’allure insurrectionnelle de 1978-79, et moins
encore quand les commerçants manipulés par l’extrême
droite en 1997, brûlaient les recettes publiques et envahissaient les
ministères.
Aujourd’hui, à la mi-décembre, plus de 700 condamnations
à prison ferme, de quatre mois à deux ans et demi, ont déjà
été prononcées. Et maintenant, on peut donc savoir qui
sont ces redoutables insurgés, barbares, bandits, musulmans, clandestins…
Dans 85% des cas, les condamnés sont des enfants de 14 à 18 ans,
français, d’origines populaires diverses, sans le moindre antécédent
judiciaire ni même d’une main-courante. Dans l’enthousiasme
guerrier, le gouvernement annonça l’expulsion immédiate
et sans appel de tous les étrangers pris, qu’ils soient clandestins
ou en situation régulière : sur les 1800 gamins arrêtés
par la police, on n’a pas pu trouver plus de sept malheureux à
expulser ainsi, parce que pour une bourde administrative ils n’étaient
pas encore totalement et définitivement devenus français. Il n’y
a donc aucun problème d’immigration étrangère dans
cette crise.
Si ce
n’est un problème racial ou d’immigration, serait-ce alors
simplement un problème de pauvres contre riches, une crise sociale ?
Si ce n’était que ça, une explosion sociale passagère
et réprimée, comment expliquer que ce gouvernement, qui est le
plus illégitime que nous ayons connu depuis la guerre, justement à
cause de sa politique sociale, un gouvernement qui a été honteusement
défait dans trois scrutins nationaux successifs en trois ans, qui ne
se maintient que grâce à une majorité parlementaire douteusement
obtenue en 2002 et démentie par les électeurs dès l’année
suivante, un gouvernement qui encore en octobre devait endurer les manifestations
de protestation nationale d’un million et demi de salariés, comment
expliquer que ce coup ci, ce gouvernement à soudain rencontré
l’appui généralisé de l’opinion à 70%
!?
Comment expliquer qu’il ait pu dans cette crise sortir ainsi la droite
de son isolement, et trouver l’appui de l’opinion dans une espèce
de coup d’Etat feutré préparant des séries de mesures
réactionnaires qu’il n’aurait jamais pu même évoquer
deux mois auparavant ?
Comment expliquer ce climat d’excitation désinhibé et d’applaudissements
enthousiastes aux déclarations les plus racistes des personnages les
plus autorisés de la politique, des médias, de l’intelligentsia
: « La France on l’aime ou on la quitte !(2)» ; «
Il faut établir un contrôle des mosquées ! » ; «
Instaurer la censure sur les paroles des musiques ! » ; « Exiger
des jeunes français enfants d’immigrés un serment de fidélité
à la nation ! » ; « Retirer la nationalité aux enfants
délinquants de naturalisés ! » ? Comment expliquer
les déclarations délirantes d’intellectuels en vue, comme
Alain Finkielkraut, désignant «les Noirs» comme
responsables du désordre, ou Hélène Carrère d’Encausse
dénonçant « la polygamie de ces gens qui prolifèrent
de façon incontrôlée »… ?
Comment expliquer que du jour au lendemain, la gauche qui se préparait
tranquillement à sa future victoire électorale pour 2007, s’est
retrouvée coite, sourde et muette devant les évènements,
se contentant de réclamer du manque de crédits sociaux, pour finir
politiquement isolée au sortir de la crise ?
L’explosion a révélé une crise bien plus profonde de la société française, une crise qui touche aux certitudes culturelles, morales, politiques, institutionnelles, identitaires de la nation. Elle a été aussi puissante parce qu’elle a éclaté au moment politique, historique et culturel où tous ses ingrédients étaient arrivés à maturité. Ce qui remonte est un plat qui n’a jamais été digéré, qui pesait depuis des lustres sur l’estomac, et qui se trouve dégurgité brutalement. Cela s’appelle l’indigestion coloniale. Ce plat, il va falloir le nettoyer, le préparer dans les règles de l’art, afin de le digérer cette fois pour de bon.
II – L’indigestion coloniale
Le 15
octobre, c'est-à-dire juste avant le début de cet incendie, un
homme m’a rendu visite. Un homme de 73 ans. Il s’est présenté
comme Marcel. Il m’avait connu quand j’étais gamin, j’avais
13 ans, et, dans notre petit village, il était alors un amoureux de ma
sœur. Je n’avais à vrai dire plus entendu parler de lui depuis
et j’ignorais pourquoi il m’avait retrouvé. A l’époque,
il était un jeune soldat, fin de service militaire, revenant d’Algérie
où il avait accompli ses trois ans, comme tous les jeunes Français
à l’époque. Ce n’était pas pour me parler de
ma sœur qu’il venait me voir.
Il m’annonça tout de go qu’il était alcoolique, et
que quand il fréquentait ma sœur il « était un
peu fou. Mais, en réalité, je suis resté fou jusqu’à
maintenant.» Il avait entendu parler de moi par mes écrits,
et lui-même, de formation universitaire, avait, me dit-il, commis deux
ou trois romans. Mais avant de mourir d’alcool, il voulait impérativement
écrire le livre qui lui importait, de ce qu’il avait vécu
là bas, en Algérie, «mais je n’y arrive pas. Chaque
fois que je tente de m’y mettre, je pleure, je vomis, je deviens malade
avec des douleurs terribles… Je ne peux pas écrire, et pourtant
je le dois. » Et la folie, qui dure depuis ce temps ? «
C’est cela, bien sûr ; et l’alcool aussi, c’est cela.
» - « Et tu es venu me voir pour que j’écrive ton livre
pour toi, c’est ça ? » C’était ça.
1) Le plat indigeste
La France
est un pays de commémorations. Il adore revisiter périodiquement
son histoire. Si l’identité française n’est ni ethnique
ni religieuse, alors elle doit être politique. Les commémorations
servent notamment à former le consensus moral, politique, culturel de
la nation, l’identité commune. Faire le bilan périodique
de ce qui est assumé et de ce qui fut condamnable. Il y a des commémorations
difficiles et douloureuses, car elles rappellent des déchirures anciennes
où le condamnable est resté difficile à digérer.
Ces commémorations là arrivent généralement au moment
où la génération des faits à commémorer parvient
à l’age de mourir. Les crimes pèsent sur les consciences,
il faut se soulager, confesser. Les Français qui aiment les périphrases
appellent ce bilan « devoir de mémoire ».
L’avant dernier grand rituel de ce genre fut la commémoration de
l’occupation nazie, de la résistance et de la collaboration. Il
débuta avec le procès de Klaus Barbie, en 1984, et s’acheva
à la fin des années quatre-vingt-dix avec celui de Maurice Papon,
ex administrateur de Bordeaux, responsable de la déportation des Juifs
du sud-ouest de la France. Durant toutes les années Mitterrand, cela
servit à construire le consensus moral et politique national, souvent
appelé «consensus républicain», certes par
aspects bien réducteur, mais enfin… : le rejet absolu de l’antisémitisme
; l’exclusion de l’extrême droite de toute alliance politique
du fait de sa compromission dans la collaboration ; la valorisation de la démocratie
comme Etat de droit égalitaire et universel, et de la résistance
même minoritaire à l’oppression.
Aujourd’hui
arrive le temps d’une autre commémoration. Celle de Marcel. Ils
ont été quatre millions de Marcel qui, durant les deux ou trois
premières années de leur vie de citoyen, firent la guerre en Algérie,
au nom de la république, entre 1954 et 1962 : brûlant les villages,
séquestrant les familles, massacrant les hameaux, torturant des millions
de personnes, méthodiquement, administrativement, déportant des
millions d’autres ou les mêmes, faisant dans ce qui s’appelait
alors « les départements français d’Algérie
» près d’un million de morts et plus de deux millions d’estropiés
ou rendus fous à vie. Quatre millions de jeunes hommes qui furent obligés
à faire en Algérie exactement ce que les Allemands avaient fait,
à peine dix ans auparavant, dans l’Europe occupée, sauf
bien sûr l’extermination des Juifs.
Quatre millions qui ensuite devinrent des pères de familles. Tous les
pères des Français qui ont entre, disons, 35 et 48 ans, ont servi
en Algérie. La guerre d’Algérie est le grand silence des
familles françaises. Le trauma indicible. Les Français sont un
peuple dont l’histoire contemporaine est jalonnée de grandes guerres,
et les souvenirs de guerre font partie des rituels familiaux des anciens. Dans
les familles, à table ou le soir, l’aïeul racontait «
sa » guerre de 14-18 ; le grand père racontait « sa »
guerre de 39-45, pas forcément glorieuse mais enfin, racontable ; et
le père ? «Papa, raconte nous comment c’était
ta guerre en Algérie?!» - Silence, pesant. Le silence des
pères, l’alcoolisme dans les familles, la violence familiale névrotique
ont presque toujours pour arrière fond le crime inconfessable et douloureusement
refoulé de l’Algérie. Non pas que tous furent des criminels,
loin de là. Mais tous ont participé au crime de masse à
grande échelle, organisé par l’institution républicaine,
et signé de l’uniforme que tous portaient. Et aucun ne peut s’en
dégager individuellement, si ce n’est la propre nation, au nom
de laquelle il fut commis et qui en était commanditaire, qui le reconnaît
et le lave. Et jamais le crime ne fut reconnu, donc il n’a jamais été
lavé.
La commémoration de l’occupation nazie a amené, presque
naturellement, à celle de la guerre d’Algérie. Par la ressemblance
des crimes, par la proximité dans le temps.
2) La nausée
Ces deux
dernières années, il n’y eut presque pas de semaine sans
qu’un général en retraite ne confesse des crimes qui feraient
rougir des Pinochet, Videla ou Medici ; sans que d’anciens suppliciés
ne viennent en France dénoncer leurs anciens tortionnaires ; sans qu’un
livre, un documentaire, une émission (3) ne révèle la profondeur
des tourments de cette génération de jeunes appelés obligés
à faire une guerre atroce et inégale contre un peuple qui ne voulait
rien d’autre que les libertés et l’indépendance dont
eux, Français, jouissaient.
Le procès Papon, censé clore la commémoration de l’époque
de l’occupation, fut à ce titre significatif. Il mit en évidence
que le même Papon était Préfet de police de Paris durant
la guerre d’Algérie et qu’il y organisa la répression
d’octobre 1961 contre les manifestations pacifiques des ouvriers algériens
qui fit 250 morts dans les rues de la capitale dans l’indifférence
générale, et fut suivie de la déportation dans des camps
au Sahara de milliers d’ouvriers algériens de Paris…
Le général Aussaresse, octogénaire, publia un livre de
souvenir pour expliquer comment il fit «disparaître», après
tortures, pas moins de 7000 personnes, en à peine trois mois dans la
seule ville d’Alger, avec l’approbation du gouvernement de Paris.
Comment il organisa administrativement à travers toute la ville les centres
militaires de détention et de torture en masse ; comment il tortura puis
assassina le leader algérien Larbi Ben Mehidi, tortura et fit disparaître
le mathématicien Maurice Audin, tortura le journaliste Henri Alleg…
Mais ni Papon, ni Aussaresse n’eurent à répondre de ces
crimes avérés. Papon fut jugé pour la déportation
des Juifs sous l’autorité nazie… jamais pour les massacres
de Paris. Et Aussaresse fut condamné pour apologie de crimes, mais pas
pour les crimes !
Il était plus facile de commémorer les temps de l’occupation nazie. Les coupables avaient été vaincus, les crimes déjà condamnés, et le nazisme banni. Mais le fait colonial est le socle historique sur laquelle la république moderne, la fameuse France républicaine, s’est formée dès la moitié du XIXème siècle. Le colonialisme fut assumé par la république toute entière, et fait partie des fondements de l’identité de tout le spectre politique français de la droite à la gauche… républicaines. Seules quelques voix, en marge du consensus national, dénoncèrent la réalité coloniale : Octave Mirbeau, Albert Londre, André Gide, Charles André Julien… écrivains et intellectuels de mauvaise fréquentation… jusqu’aux communistes français qui ne furent pas des anticolonialistes de fer. Et cela jusqu’aux dernières heures de l’époque coloniale : le gouvernement de Paris qui donnait ses ordres à Aussaresse était un gouvernement de coalition socialiste, et celui auquel obéissait quelques années plus tard le préfet Papon était celui du Gal De Gaulle.
La plupart,
pour ne pas dire toutes, les institutions de la république sont héritées
et sont héritières du colonialisme : partis, administration, université,
industries, armée, urbanisme, musées, institutions de recherche,
monde littéraire, marques publicitaires… portent l’empreinte
colonialiste au point que s’en est subliminaire. Et si les colonies furent
abandonnées, de force, les institutions qui en furent les piliers n’ont
jamais été questionnées… jusqu’au ministère
de l’Outremer qui existe jusqu’à présent, sans budget.
Dès 1962 et l’Indépendance algérienne, le trauma
de la guerre d’Algérie a été refoulé. C’était
un sujet auquel on ne touchait pas. La guerre elle-même n’avait
pas existé. Il fallut attendre le gouvernement Jospin pour admettre officiellement
qu’il y avait eu une guerre en Algérie ! Il y avait le souci de
ne pas incommoder le million d’ex-colons d’Algérie et leurs
descendants, qui formaient de véritables bataillons électoraux
dans le sud de la France. Mais surtout, il y avait le fait que la guerre d’Algérie
révélait et condensait par sa débâcle, la véritable
nature de l’ensemble du fait colonial : discrimination raciale institutionnelle,
exploitation et généralisation du travail forcé, spoliation
systématique des peuples originaires, truculence administrative organisée,
négation et humiliation culturelle, esclavage domestique, extermination
de populations entières… cette histoire coloniale qui se confond
avec celle de la république moderne et qui est au cœur de ses institutions
et de ses représentations. Un voile pudique fut jeté sur cette
histoire refoulée.
C’est
cette réalité qui remonte aujourd’hui à la surface,
avec l’arrivée de la génération de la guerre d’Algérie
à l’age des confessions terribles. Cela crée dans la société
française un malaise profond et questionne des identifications qui jusqu’alors
paraissaient inquestionnables. Et derrière ces questions, combien d’autres
: le trafic d’esclaves, dont les descendants, parfaitement français,
vivent aux Antilles mais aussi dans la métropole, souvent justement dans
les banlieues, - ces fameux « Noirs » d’Alain Finkielkraut?
-, la repression de Madagascar de 1947, le travail forcé en Afrique noire…
Et ce retour à la surface de l’héritage colonial à
travers la mémoire tourmentée de la guerre d’Algérie,
oblige à revisiter le fameux « consensus républicain »
formé si récemment dans le bilan de l’expérience
fasciste.
3) Le corps partagé
Tout
ce questionnement qui traverse la société dans ses générations
profonde rencontre inévitablement la crise ressentie dans les banlieues,
car les deux reflètent, sur des plans différents mais complémentaires,
l’histoire commune et tragiquement contradictoire des couches profondes
du même peuple.
Ce choc résonne dans la crise de représentation politique qui
traverse au même moment la société, et qui s’est révélée
dans la séquence des suffrages de 2002, 2004, 2005 : la société
ne se reconnaît plus dans son système de représentations
et d’institutions qui paraissent dès lors fonctionner comme si
elles étaient hors de la réalité. Celles-ci, - représentation
politique en général, médias, culture officielle, justice,
enseignement… -, tentent de sauver leur légitimité en s’accrochant
aux certitudes de toujours et en resserrant les boulons : discours sur «
l’identité française », « les valeurs »,
« la laïcité française »… alors que la
société n’y voit plus qu’un théâtre d’ombres
et cherche à tâtons dans cette opacité les nouveaux paradigmes
d’une histoire commune et d’une unité à réinventer.
Le colonialisme
est une relation. Apparemment exogène, la métropole d’un
côté de la mer, la colonie de l’autre côté.
Une relation modifie le visage des deux. Dans l’outremer, l’Indochine,
l’Algérie, les colonies se sont libérées en se servant
des propres idées de la république française.
Et la France ? La colonisation a aussi changé le visage de la France.
Le peuple français n’est plus ce peuple métropolitain blanc,
originaire d’un terroir ancien et provincial. Ce peuple qui a peur de
l’eau… et du savon! Il est un peuple formé d’ex-colonisés,
d’ex-métropolitains, des exodes aussi du siècle de guerres
qu’il a produites, et surtout du mélange accéléré
de tout cela. Il faut pouvoir se reconnaître dans une histoire commune,
une histoire réelle, et en former les valeurs collectives. Mais tout
le système de représentations, l’univers institutionnel,
les mythologies nationales, les références, les images, les personnages,
l’histoire enseignée et retransmise, continuent dans la même
version, la version coloniale. Les colonies ont changé, la métropole
a changé, mais son institution résiste et ne veut rien changer
à rien.
Mais alors,
de cette façon, la relation coloniale que l’institution républicaine
maintien à toutes forces, d’exogène devient endogène.
La colonie n’est plus outremer, mais dans la société intérieure
elle-même. C’est la propre institution républicaine qui entre
en crise.
Il est à ce titre tout à fait significatif de voir l’entièreté
de la représentation politique et médiatique, de la droite à
la gauche, s’unir au long des deux ans écoulés en défense
des certitudes colonialistes et de la pérennité des valeurs qui
en font l’héritage.
Quelques
exemples épars :
- Début 2004, dans un élan d’esprit d’intégration
(!), le gouvernement annonce le projet de création d’un grand Musée
national de l’histoire de l’immigration. Et la commission de politiques
et d’universitaires en charge du projet l’installent où ?...
Dans l’ancien Musée des colonies et de l’Outremer !
- Fin 2004, le Parlement, au nom de la laïcité, vote une loi spéciale,
excluant des écoles publiques les jeunes filles musulmanes qui usent
d’un voile, même sous forme de simple foulard. Les premières
exclues sont deux gamines banlieusardes d’origine juive athée,
qui s’étaient converties dans la manifestation d’une sorte
d’orgueil des banlieues. Dans la foulée, plusieurs centaines de
jeunes filles sont retirées de l’enseignement… au nom, bien
sûr du progrès de la condition féminine. Seuls les communistes
et les verts votent contre la loi.
- 23 février 2005, le même parlement invente une nouvelle loi,
portant «reconnaissance de la Nation pour l’œuvre coloniale
et l’action des Forces armées dans les départements d’Outremer»
et obligeant, dans les programmes d’enseignement à faire ressortir
«le rôle positif» de la colonisation. Seuls les communistes,
les verts, et de rares socialistes votent contre.
- Mars 2005, les féministes de gauche organisent à Paris une manifestation
commémorative du trentième anniversaire de la loi autorisant l’avortement
et la contraception gratuits ; un cortège de jeunes filles musulmanes,
beaucoup portant le voile, venues des banlieues, veulent se joindre au défilé
et sont expulsées par les féministes… au nom toujours du
progrès de la condition féminine. Chassées, elles ne parviennent
à défiler que sous la protection des anarchistes !
- Novembre 2005, la loi établissant l’état d’urgence
pour réprimer la révolte des banlieues, dont l’entrée
en vigueur doit être votée par le parlement, n’est autre
que la loi de 1955 créée pour permettre la guerre en Algérie
et jamais utilisée en métropole depuis lors. Seuls les communistes
(pas tous) et les verts votent contre. Ce n’est que pour sa prolongation,
en décembre, que les socialistes se décideront à voter
contre.
- Décembre 2005, la loi du 23 février repasse au parlement convoqué
en session solennelle, à l’issue des émeutes de novembre.
Elle est massivement approuvée, longs discours colonialistes à
l’appui. Seuls les communistes et les verts la rejettent en bloc. Les
socialistes ne voulant en modifier que le paragraphe concernant l’obligation
d’enseignement.
….. etc.
Comment les jeunes et moins jeunes des banlieues, dont les parents ou grands parents ont vécu la réalité du colonialisme, ont été «main d’œuvre indigène» importée, qui souffrirent les discrimination et l’administration coloniale de l’immigration, comment «la banlieue» de la société peut lire ces faits ? Comment un jeune Français, dont le père, alors immigré en métropole et qui aurait échappé aux massacre de 1961 organisés par le préfet Papon, doit il comprendre l’application de la loi de 1955 ? Comment les enfants d’anciens soldats qui firent la guerre contre le peuple algérien et souffrirent toute leur enfance du silence taciturne et pesant des pères, peuvent ils entendre cela ? Comment quelqu’un, dont les villages familiaux furent détruits au napalm avec leurs habitants par l’aviation française, doit il manifester sa «reconnaissance nationale» ? Comment quelqu’un qui s’identifie aux «valeurs» du «consensus républicain», peut-il en même temps «souligner le rôle positif» du travail forcé, de la discrimination et de l’arbitraire racial ? A quelle France tous ceux là doivent-ils appartenir ? Ou alors, doit on les stigmatiser comme «mauvais Français», faux Français ? Et comment quelqu’un, qui s’identifie au «consensus républicain», peut-il en même temps s’identifier à un système qui réinvente les «bons» et les «mauvais» Français, exactement comme le fit le régime de collaboration pétainiste ?
C’est tout cela qui explose dans cette «crise des banlieues», dans cet incendie qui s’est étendu au pays entier. La révolte des banlieues résonne dans la crise du corps national. Le corps de la société, le corps national, le corps culturel est partagé, déchiré, «comme un immense cadavre gangrené». Une nouvelle identité commune se cherche… qui ne peut venir que de la dévoration de cette vieille France qui s’entête à se vivre dans la continuité de son histoire coloniale. Et cet entêtement du gouvernement et de toute la représentation institutionnelle à se maintenir dans les mêmes vieux poncifs ne fait qu’aggraver cette partition du corps de la société, ouvrant sans s’en rendre compte, vers des incendies bien plus ardents que ceux de novembre.
Le corps de la société est partagé…
… III – Seule l’anthropophagie nous unit !
Le corps social est déchiré, mais ce ne sont pas les banlieues
qui se trouvent dans une crise identitaire. Les jeunes révoltés
sont très clairs ; ils veulent être considérés comme
n’importe quel citoyen, qu’ils sont formellement, et donc pouvoir
reconnaître dans la France leur pays. Mais ce ne peut pas être le
pays qui dénie leur humanité en les réduisant à
des « indigènes » ou descendants d’indigènes
à intégrer.
La crise n’est pas «la crise des banlieues», c’est
la crise de l’identité française et républicaine
classique, héritée de la mentalité du capitalisme colonial.
Intégrés ils le sont et le prouvent, en répétant
: mais nous sommes Français ! Le problème n’est pas l’intégration
des «jeunes-issus-de-l’immigration». Le problème
c’est la désintégration de cette identité française
coloniale aujourd’hui morte. Comme les anthropophages, il faut dévorer
rituellement le corps de l’ennemi moribond dans le banquet commun, pour
en digérer et rejeter comme engrais la chair putrescible, et que les
vertus qu’il recèle (car il y en a, bien sûr !) puissent
se libérer dans le métabolisme collectif d’une nouvelle
communauté sociale à naître.
Et si on écoute un peu, que crient les enfants des banlieues ?
« A TABLE !!! A TAAAABLE ! »
Et ils
sont parfaitement disposés à manger la République, mais
c’est la République qui ne veut pas venir à table !
Tout juste si elle accepte des amuse-gueule : Chirac admettant les excès
de la répression de 1947 à Madagascar (110 000 morts), ou l’ambassadeur
de France reconnaissant les crimes de Sétif en 1945 (45 000 morts)…
Mais ce n’est plus de cela qu’il s’agit. Il s’agit de
manger toute entière cette république pour inventer les valeurs
communes d’une France qui n’est plus ce peuple imaginaire qui se
regarde dans le miroir du passé colonial, blanc, et civilisateur des
autres… Et c’est cette France qui résiste et ne veut pas
se laisser manger.
Des observateurs «bien-intentionnés» n’ont pas manqué de pointer l’irrationalité apparente des incendies, le vandalisme… et surtout le langage incompréhensible de ces jeunes «qui ne connaissent que la violence»… oubliant que si leur langue parait incompréhensible, c’est pourtant celle qu’ils ont appris de cette république, dans ses écoles… mais qui ne correspond plus à aucune réalité de leur vie. Ce n’est pas leur langue qui est incompréhensible, c’est leur école qui l’est devenue, et la vie qu’elle leur prépare. Ce n’est pas pour autre chose que parfois, au passage, ils incendièrent quelques écoles.
Manger
cette vieille France, bien sûr, c’est avec les mots. L’anthropophagie
culturelle, tout comme l’anthropophagie rituelle que nous décrivent
les anthropologues, ce n’est pas le cannibalisme utilitaire. Le cannibalisme
c’est justement ce que l’Europe coloniale a si souvent et si longtemps
pratiqué… et qui se poursuit avec l’idée de «l’intégration».
Intégration au marché, à l’ordre, à la morale,
à la fonction, à l’exploitation.
Les "Noirs des banlieues" des cauchemars d’Alain Finkielkraut
ne vont pas faire griller des escalopes de Français sur les brasiers
des voitures incendiées ! Cela, c’est dans l’imagination
délirante de Finkielkraut et de ses amis… Parce que eux, justement,
ne connaissent que le cannibalisme utilitaire, et les élites culturelles
qui confortent la domination ! Je ne te mange que pour m’alimenter.
Ce que
nous avons vu, c’est à peine la fête qui précède
le festin anthropophage. Les paroles n’étaient pas encore arrivées.
Il n’y avait que les premiers balbutiements. C’est normal. La révolution
est une enfant a-nal-pha-bête. Mais on apprend à parler avec elle.
Pourtant, cette révolte a ouvert une crise politique, culturelle, institutionnelle,
identitaire profonde, qui était latente, et que toutes les paroles compassées
des doctes observateurs n’avaient jamais réussi à révéler.
Cela vaut déjà plus que beaucoup de discours. Les enfants des
banlieues, à leur façon à eux, sont entrés dans
cette crise et l’ont mise en lumière. Ils sont entrés en
politique.
Ne vous impatientez pas, les paroles vont venir et elles arrivent déjà.
Abondantes. Deux semaines à peine après les incendies, il suffit
de regarder sur l’internet (4). Les sites prolifèrent d’une
banlieue à l’autre, les textes, et la volonté de conquérir
dès lors la parole.
« Maintenant, les enterrés, à travers l’analyse,
reviennent à la lumière, et à travers l’action parviennent
aux barricades. Ce sont ceux qui ont eu le courage incendiaire de détruire
leur propre âme égarée dans les cieux souterrains où
ils s’étaient réfugiés. Soit les catacombes lyriques
se tarissent, soit elles débouchent dans les catacombes politiques. (…)
» (Oswald de Andrade. Préface à « La Morte »)
Et pour ne pas prolonger ce discours plus longtemps, je vous invite à lire la simple lettre à Jacques Chirac des élèves d’un collège professionnel d’une des banlieues où démarrèrent les incendies, écrite en plein cœur des évènements, pour vous convaincre que la vrai crise d’identité n’est pas du côté qu’on croit. Chirac n’a jamais répondu.
EIA ! Tupi !
Gilles
de Staal
Sao Paulo, le 17 décembre 2005
Mail : staal@gilles-de-staal.com
(1) Le
film deKassowitz, « La Haine » qui a été vu au Brésil,
reflète assez bien, quoique qu’avec un certain simplisme, cette
réalité.
(2) (formule directement empruntée à la dictature militaire brésilienne
qui l’avait inventé en 1973 pour expulser tous les opposants, intellectuels,
syndicalistes, artistes, gauchistes, terroristes : « Brasil ama-o ou deixa-o
» (le Brésil on l’aime ou on le quitte) qui s’étalait
à l’arrière des voitures des classes aisées de l’époque)
(3) Voir en particulier l’admirable documentaire en deux parties de deux
heures, des frères Rothman, diffusé sur Arte en 2004, ainsi que
le livre qui l’accompagne : « L’ennemi intime ».
(4) Dans la multitude, deux sites particulièrement intéressants
: www.toutesegaux.net.fr et www.labanlieuesexprime.org
Annexe (Lue en portugais publiquement)
«
Voici une lettre écrite par les élèves de terminale bep
bioservices à la suite d’un débat en classe sur ce qui se
passe dans nos banlieues. (…) Ce sont 15 élèves de BEP bioservices
assistant technique d’alimentation et maintenance hygiène des locaux,
ils sont dans un établissement ZEP et ont des choses à dire !
»
Régis Signarbieux,
professeur de lettres-histoire-géographie
au lycée professionnel de Valmy Colombes (92).
Colombes, le jeudi 10 novembre 2005
Monsieur le Président de la République,
Nous sommes
des élèves du lycée professionnel Valmy de Colombes en
terminale bioservices. Nous vous écrivons pour vous expliquer ce qui
se passe dans notre pays, la façon dont nous voyons les choses et comment
nous les vivons.
Si les jeunes des cités se révoltent aujourd’hui c’est
pour répondre aux provocations du ministre de l’intérieur,
monsieur Sarkozy. Selon nous, un ministre doit avoir un minimum de respect dans
sa façon de parler et faire attention à ce qu’il dit. Il
n’a pas à dire qu’il va nettoyer les cités au Kärcher
et traiter les jeunes de racailles. La majorité d’entre nous habitent
dans des cités et on n’est pas des racailles ! On est juste des
personnes comme les autres qui demandent à être respectées
et écoutées. Le couvre-feu et l’expulsion des étrangers
qui ont commis des violences n’arrangeront rien. De même pour les
emprisonnements.
Le problème provient du chômage et du racisme. Beaucoup d’habitants
du pays n’ont pas de travail, les noirs et les arabes et les étrangers
sont victimes de discriminations dans la recherche d’emploi mais beaucoup
de « Français blancs » sont aussi au chômage. Les jeunes
d’origine étrangère sont violents car ils ne trouvent pas
d’autres moyens de s’exprimer pour faire passer leur message.
Ils brûlent des voitures, des bus, des écoles maternelles, des
centres commerciaux, agressent des personnes. Nous ne sommes pas d’accord
pour agir ainsi et c’est pour cela qu’on vous écrit. Mais
on les comprend. La voiture est un objet de valeur facile à détruire
et à leur portée, les bus appartiennent à nous tous et
les brûler touche tout le monde. Lorsqu’ils détruisent des
écoles, ils montrent qu’ils sont prêts à tout pour
être pris au sérieux qu’ils en ont vraiment assez. Par exemple,
certains d’entre nous se sentent rejetés par les élèves
des lycées généraux, ils pensent qu’on est bon à
rien et c’est la même chose quand on habite une cité par
rapport à l’extérieur.
Souvent des jeunes agressent les personnes qu’ils aimeraient être
qui ont un bon travail qui sont bien habillées.
On s’est marié avec la République et elle nous a trompé
!
On est venu chercher nos parents et arrières grands parents, ils ont
construit les cités et la France et maintenant vous voulez nous jeter.
Nos ancêtres ont combattu pour la France, parmi nous le grand père
malien d’une de nos camarades y a laissé un bras.
Aujourd’hui vous faites intervenir des imams pour remettre de l’ordre.
Pour nous c’est n’importe quoi ! Beaucoup de jeunes ne sont pas
musulmans et la religion est un choix personnel, on ne la mélange pas
avec la politique. Certains policiers abusent de leur pouvoir et ne respectent
pas les jeunes.
Souvent les hommes politiques nous jettent des fleurs, ils veulent nous séduire
et après ils ne font rien pour nous. Donc la mauvaise image des cités
continuera, les solutions ne seront pas trouvées et les voix du Front
National augmenteront. Et nous irons voter en 2007 !
Pour renouer le dialogue avec les jeunes il faut essayer de nous comprendre
et ne généralisez pas tout. Rencontrez les associations de quartier.
Il faut lutter contre le racisme et appliquer la loi contre les entreprises
qui font de la discrimination. Il faut aussi médiatiser des campagnes
contre le racisme et donner une image positive des cités. Il faut résoudre
le problème du chômage.
A 14 ans, on ne sait pas ce que l’on veut faire, on change souvent d’avis.
Comment un jeune qui a des difficultés à l’Ecole peut-il
travailler en entreprise ? Pour certains d’entre nous c’est une
façon de se débarrasser des jeunes qui ont des difficultés
à l’Ecole et pour lesquels on ne trouve pas de réponse.
Nous espérons que notre lettre vous fera comprendre notre situation et
que vous trouverez des solutions. Dans l’attente d’une réponse
de votre part, veuillez agréer monsieur le Président de la République
nos salutations distinguées
La
classe de Terminale BEP
bioservices ATA et MHL.